Que savait excatement Mino Pecorelli qui le conduisit à annoncer que :”le 15 Mars 1978 il arrivera quelquechose de gravissime en Italie” ? Etait-il en possession du mémorial d’Aldo Moro ? A-t’il été tué par la vérité qu’il menaçait de dévoiler au grand jour?
Rome, le 20 Mars 1979. Carmine Pecorelli est à peine sorti de la rédaction de OP ( NDLR = Osservatorio Politico = Observatoire Politique ) , le périodique qu’il a crée et qu’il dirige. Quatre coups de feu de calibre 7.65, un pleine face et trois autres dans le dos, mettent fin à sa vie.
Il est retrouvé étendu dans sa Citroên CX, garée via Orazio, à proximité de via Tacito, siège de la rédaction d’OP. L’auxilaire carabinier Ciro Formuso signale à 20 h 40 le délit à la salle des opérations des carabiniers : la fenêtre de l’automobile est détruite, la portiére ouverte, du sang partout, un cadavre recroquevillé.
L’enquête est confiée au substitut procureur de l’époque Domenico Sica et, lorsque celui-ci prend congé de la « procure » de Rome, à Giovanni Salvi, aujourd’hui membre du Conseil supérieur de la magistrature. Les enquêtes se révelent imédiatement difficiles, en raison du rôle joué par Pecorelli et son journal, considére par beaucoup comme le moyen de faire chanter les politiques, militaires et industriels. Le directeur de OP s’était occupé, toujours en termes ambigüs et critiques, de beaucoup de choses : du scandale de Italcasse, du crach de la soviété de Nino Rovelli, des affaires de Sindona jusqu’à celles Andreotti, des Brigades Rouges, de l’enlèvement et de l’homicide d’Aldo Moro.
Le process judiciaire fût, et c’est peu de le dire, laborieux et contradictoire.
Une première enquête implique : Massimo Carminati, membre des Cellules Armées révolutionnaires ( NDLR : les NAR de Fioravanti enr’autres ) et de la bande de la Magliana, Licio Gelli ( NDLR = vénérable Maître de la loge maçonique P2 ), Antonio Viezzer, Cristiano e Valerio Fioravanti ). Qui seront cependant aquités en 1991 par le juge d’instruction Francsco Monastero.
En 1993, coup de théâtre: le repenti Tommaso Buscetta, interrogé par les magistrats de Palerme, accuse Giulio Andreotti. Entrent également dans l’enquête Gaetano Bandalamenti et Giuseppe Calò. En août de la même année les déclarations des repentis de la bande de la Magliana, Vittorio Carnovale, Fabiola Moretti, Maurizio Abbatino, Antonio Mancini et Chiara Zossolo, impliquent le magistrat romain Claudio Vitalone alors en activité. Ils seront jugés non crédibles par la cours.
Le procés commence à Perugia le 11 avril 1996. Paolo Nannarone préside la cours d’assise. Il sera déclaré « incompatible ». Son remplaçant désigné est Giancarlo Orzella. Le 9 Septembre Tommaso Buscetta confirrme les accusations contre Andreotti : « Badalamenti et Stefano Bontade m’ont informé que l’assasinat de Pecorelli avait été executé par eux, sur demande des cousins Salvo et dans l’intérêt d’Andreotti. Selon Buscetta, Pecorelli était en mesure de publier des documents en rapport avec le cas Moro.Ces documentsi étaient en possession du général Carlo alberto Dalla Chiesa. Le 10 septembre Buscetta retire en partie les déclarations du jour précédent.
Le 24 septembre 1999, aprés quatre jours de chambre du conseil, la cours d’assise acquite tous les accusés.
Le 17 novembre 2002 la cours d’appel de Pérugia acquite tous les autres accusés, mais condamne à 24 ans de reclusion le sénateur à vie Giulio Andreotti et l’ex boss mafieu Gaetano Badalamenti.
Le 30 octobre 2003 la cassation annule sans possibilité de nouveau procès, la sentence de la cours d’appel de Pérugia. Andreotti et Badalamenti sont complétement blanchis de l’accusation pour l’homicide de Mino Pecorelli. L’homicide Pecorelli demeure sans coupable.
Mais qui était réellement Pecorelli?
Carmine Pecorelli, dit Mino ( NDLR = diminutif de Carmine ) aprés s’être diplômé en droit, commence une carrière d’avocat. Il se spécialise en droit des faillites et devient le chef des relations presse du ministre Fiorentino Sullo. En octobre 1968, il fonde OP , « Observatoire Politique International », en premier lieu agence de presse, puis une revue.
Pour beaucoup, OP est juste une revue à scandales. Pour d’autres, au contraire, c’est un instrument de chantage et de manipulation du monde politique relié aux services secrets. L’unique certitude est que le directeur d’OP est lié à certains corps d’état. C’est Nicolas Falde qui le rapporte, colonel du SID ( NDLR =services secrets militaires de l’époque ) de 1967 à 1969. La preuve en est également faite par ses liens avec Vito Miceli, Chef des services secrets militaires de 1970 à 1974 et surtout avec le général Carlo alberto Dalla Chiesa.
Cette tête chercheuse ( OP ) devient trés vite connue: politiciens, dirigeants de services publics, militaires, agents secrets l’étudient pour analyser ce qui s’est passé ou, pour prévoir ce qui se passera. Pecorelli, inscrit régulièrement à loge P2 de Licio Gelli, décrit avec force de détails les programmes licites et illicites, il anticipe les mouvements, explique les faits étranges, dévoile des plans, comprends les alliances et pressent les tahisons. Un style qui lui vaut de très fortes inimitiées.
Pour le ministre Alessandro Cannevale “ Pecorelli est le precusseur du journalisme agressif, impertinent. Par le biais des colones de son journal, celui-ci lançait des attaques qui touchaient un objectif précis, mais pas toujours clairement lisible par tous les lecteurs.Cependant toujours clair pour l’un d’entre eux : la cible à qui l’attaque était adressée.Cela pouvait changer soudainement et sans logique apparente : la personne qui était défendue et appréciée le jour « J », pouvait être attaquée avec violence dans le numéro suivant. Et viceversa. Ses révélations, souvent sous forme « d’épisodes », tenaient en haleine les principaux intéressés : sa technique était de laisser supposer qu’il en savait plus, qu’il avait d’autres preuves. C’était un journaliste très curieux et très capable, mais dans l’extorsion d’information et sûrement moins dans l’extorsion d’argent. Avec les qualités et les défauts de tout être humain, il a été un journaliste passionné, antagoniste de la gauche, mais pas pour autant indulgent pour ceux de son bord. Il ya peu de doute que la causalité du délit prenne naissance dans l’activité professionnelle de Pecorelli et non dans sa vie privée.
Le directeur d’ OP semblait avoir une mission: attaquer Giulio Andreotti. Avec un sarcasme féroce, le journaliste le critique pour ses rapports avec Salvo Lima et l’affuble de surnoms, certains entreront dans le jargon journalistique commun : Le divin Giulio, le parrain, Jusqu’au dernier, la couleuvre. Parmis ses autres objectifs également liés au groupe du pouvoir de Giulio Andreotti, se trouve Claudio Vitalone, avec lequel il semble avoir engagé un contentieux personnel.
Romoldo Cardellini, rédacteur en chef d’OP racconte: “jusqu’en 1975 c’était Vito miceli, chef du SID, qui envoyait ses notes vénéneuses contre Gianadelio Maletti, chef du Bureau D. Après son arrestation ( NDLR =celle de Miceli ) que mino Pecorelli nouera une amitié avec ce dernier. Ces généraux pour un motif ou pour un autre avaient tous un compte à régler avec Andreotti, ils se sentaient tous utlisés et jetés comme une maîtresse tahie, et leur rage trouvait écho dans les entrefilets de Mino».
Dans une interview publiée en Juin 1993 par le “Corriere Della sera” et signé par Paolo Graldi, l’avocat Gianfranco Rosini révéle : « J’étais allé le voir quelques heures avant son assasinat. Mino m’avait confié que pendant, à peu prés deux années il fut une sorte de secrétaire personnel d’Andreotti. Il lui dit : « C’est un personnage ambigü cet Andreotti » il répondit : « Un des plus grands criminels de l’histoire, je suis en préparation d’un fascicule extrêmement documenté qui révèlera qui est vraiment Andreotti ainsi que la nature et le nombre de ses crimes ».
Au matin du 20 mars Pecorelli rencontre le ministre Luciano Infelici. Il lui révéle qu’il a entre les mains du matériel « explosif » sur le fils de Francesco Arcaini directeur général d’Italcasse ( NDLR = banque publique ).
La Cours de Cassation n’a pas partagé la ligne des juges de Perugia selon laquelle Andreotti, dans les années 1970 avait favorisé des financements à la société de Nino Rovelli. Financements de complaisances et à fonds perdus venant non seulement du ministère pour le développement du « Mezzogiorno » ( NDLR = Italie du Sud ) dirigé par lui-même, mais également de l’institut de crédit de Italcasse qui fera ensuite faillite. En échange, il avait reçu de Rovelli d’importants pots de vin par le biais de chèques au porteur adressés à des prêtes noms. Ces ordres de crédits ont ensuite finis dans les mains des membres de la bande de la magliana, aux boss mafieux liés à Tano Badalamenti… Pecorelli, avant sa mort, est sur le point de publier sur sa revue OP les photocopies des matrices des chèques dans une chronique dont le titre aurait été « Les chéques du président ». Il n’en aura jamais le temps.
Pecorelli est un homme seul. Sa sœur, Rosita, se souvient de leur derniére rencontre ; » un mois avant d’être assassiné, il me pria d’aller à sa maison. Il était léssivé, il me dit qu’il n’avait plus de famille, qu’il fasait tout en solitaire, que le mal à la tête le torturait. Il pleurait comme un enfant. Il m’a semblé également térrifié».
En mars 1978 “OP” devient hebdomadaire.Pecorelli annonce que le 15 Mars 1978 il arrivera quelque chose de très grave en Italie. Il se trompe d’un jour.Le 16 mars, Moro est enlevé et son escorte exécutée. Par la suite on apprendra que les BR avaient initialement décidées d’enlever Moro le 15 Mars. Le journal publie trois lettres inédites du leader de la Démocratie Chrétienne, expédiées à la famille et aux amis. Pecorelli prophétise également la mort du général Dalla Chiesa. Selon Pecorelli, durant l’enlévement Moro, Dalla Chiesa avait informé le ministre de l’intérieur Cossiga que les caches de Moro étaient au nombre de deux. Mais cossiga n’avait pu rien faire. Le Général Amen soutiendra Pecorelli en 1978.Par la suite il sera tué.
Le journaliste enquête sur les secrets du délit Moro.En janvier 1979 il se rend à la prison de Cuneo avec Dalla chiesa. Ils sont à la recherche du mémorial Moro. Il est tout près de la découverte d’inquiétantes vérités. Il craint pour sa propre vie. Il est menacé. Dans le journal parait une note « Pour le futur » : « Nos lecteurs et ceux qui nous estiment sauront reconnaître immédiatement la main qui a armé ceux qui voudront toucher seulement à un de nos cheveux».
Une chose est sûre, Pecorelli sait beaucoup de choses sur le cas Moro. De son journal il lance des messages ambigus. Dans les numéros 27, 28, 29 de OP, en octobre 1978, le journaliste écrit : « je ne crois pas à l’authenticité du mémorial, ni à son intégrité, ou aux banalités qui ont été portées au grand jour. Moro ne peut avoir dit ces choses, en tous cas pas uniquement ces choses archi-connues ; il n’était pas idiot, en disant uniquement ces choses là, il savait qu’il ne sortirait pas vivant de sa prison. Il y a donc autre chose. Au moins nous savons maintenant, qu’il y a des faux mémoriaux et de vrais mémoriaux. Celui qui circule est en plus mal ficelé. Mais avec l’utilisation politique qui sera faite par le vrai, et avec la récupération de certaines bandes magnétiques dans lesquelles Moro parle de vive voix, le jeu de massacre sera ouvert. De là commenceront les rançons.
Avec le matériel récupéré à ce jour, la bombe Moro n’a pas explosée comme beaucoup pouvait s’y attendre. Giulio Andreotti est un homme extrêment chanceux.
En janvier 1979 Pecorelli annonce de nouvelles révélations sur le cas Moro : « Nous reparlerons du fourgon, des pilotes, du jeune homme avec le blouson bleu vu a Via Fani, de la pellicule photo, du garage comprehensif qui a fait gardiennage des voitures qui ont servie à l’opération, du prêtre contacté par les BR, du passage à niveau du centre de Rome, des tractations entreprises… ». Cela reste une annonce : le 20 mars 1979 , le directeur d’OP est assassiné.
Traduzione a cura di GUILLAUME ORIGONI
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